Le mal-être face à l’emploi et face au chômage - Les matins - France Culture
La société est-elle menacée par le « burn-out » ? 20-02-2013 émission Les Matins par Marc VOINCHET
Le mal-être face à l’emploi et face au chômage, qui semble aller croissant, peut être expliqué par le rapport spécifique des Français au travail. Face au désespoir et à l’inquiétude (84 % des français placent le chômage en tête de leurs préoccupations selon un sondage paru début janvier), quelles sont les solutions ? La société est-elle menacée par le burn-out ? Faut-il voir dans le mal être au travail une défaillance des entreprises, de l’Etat ou de notre système entier ? C’est un problème qui demande des réponses autant politiques que philosophiques…
Nous recevons ce matin Danièle Linhart, sociologue du travail et directrice de recherche au CNRS Université Paris Ouest Nanterre La Défense. Elle a publié entre autres Travailler sans les autres ? (Seuil, 2009) et La modernisation des entreprises (La Découverte, 2010). A partir de 8h15, elle sera accompagnée par Pascal Chabot, philosophe, au téléphone depuis Bruxelles. Il enseigne à l’ Institut des Hautes Etudes des Communications Sociales (Bruxelles), et vient de publier aux PUF Global burn-out.
À qui appartient le travail ? À l’employeur, au salarié ou à la société ?
Le travail appartient, du point de vue, de sa productivité aux employeurs qui le rémunère. Mais quand quelqu’un est au travail, il ne travaille pas seulement pour son employeur, il apporte aussi sa contribution à la société. Or la modernisation managériale se caractérise par une sorte d’appropriation de l’essence même du travail. Le management moderne demande aux salariés non pas de prendre en compte les besoins des clients et de la société, mais de prendre en compte les exigences et les intérêts de la seule entreprise pour laquelle ils travaillent. Et ce, sur un mode un peu narcissique : si vous êtes le meilleur, nous serons les plus performants. Le pari managérial de la modernisation, c’est de placer les aspirations narcissiques individuelles au service des besoins de l’entreprise et de sa rentabilité. Nous ne pouvons pas accepter que le travail se déconnecte complètement de ce qu’est la société, de ses besoins et du débat public sur ce que doit être le travail et à quoi il doit servir. Dans les années 1950 et 1970, ces enjeux étaient relayés par les collectifs de salariés, par les organisations syndicales et les partis politiques qui mettaient le travail au cœur des enjeux politiques et sociaux. Cela s’est perdu. Nous ne pouvons pas accepter que le travail n’appartienne qu’aux seuls employeurs. C’est comme s’il y avait une appropriation privée de la vie des gens, du sens, des valeurs et des finalités de leur activité.